Extrait du livre – cours de théâtre n° 27

35 Ateliers théâtre pour devenir acteur de Segolene Chailley Editions L'Harmattan
COURS EXTRAIT DU LIVRE 35 ateliers théâtre pour devenir acteur, Segolene Chailley, éditions l’Harmattan  ATELIER THÉÂTRE N° 27 : Parole adressée, didascalies, sous-texte
  • ÉCHAUFFEMENT :

« L’habitude est indispensable à la création ; c’est la deuxième nature de l’acteur » Constantin Stanislavski

L’attaque des phrases est souvent fondamentale au théâtre puisque la prise de parole de l’acteur doit être motivée et audible par le public. Or le trac souvent bloque la respiration de l’acteur, ce qui rend sa prise de parole plus ardue. L’exercice suivant permet aux comédiens de travailler ce point.

EXERCICE N° 201 Jeux d’adresses : les acteurs forment un petit cercle. Ils commencent à s’interpeller mutuellement en chuchotant une série d’interjections courtes qui mobilisent la partie abdominale de leur ventre. Chacun choeurveille à regarder droit dans les yeux la personne à qui il s’adresse, et si celle-ci ne le regarde pas à attirer son attention. Ils prononcent dès le début de l’expiration des onomatopées, appels tels que Chht ! Pcht… ! He ! Eh ! Ah ? Ah !! Oh ! Toi ! Pss ! Passe ! Hein ! Quoi ?! Moi ?… Puis ils reculent d’un pas, le cercle s’élargit. Ils recommencent, en mêlant toujours parole et regard. Bien que la voix soit davantage projetée, l’attaque doit rester claire, nette, sur la première syllabe. A nouveau, les acteurs reculent d’un pas, repoussant ainsi leurs limites.

EXERCICE N° 202 Espèce de vaurien ! Même dispositif que précédemment. Les acteurs utilisent maintenant des prénoms, des noms de fruits et de légumes, d’électroménager. Ou ils se servent des gros mots répertoriés dans la bande dessinée d’Hergé intitulée Tintin (ex : tonnerre de Brest, mille millions de mille sabords, pirate d’eau douce, espèce de Bachi-bouzouk, coléoptères, ectoplasme…). Ils profitent de cette transposition ludique qui leur permet d’allier à la fois plaisir et défoulement.

EXERCICE N° 203 Le vieux papy : les acteurs échauffent leur voix. Consignes : lire une phrase dans sa tête ; la marmonner les lèvres fermées (on n’entend que des sons) ; la dire en desserrant un peu les lèvres (sons plus forts) ; la dire en ouvrant de temps à autre la bouche ; la dire en faisant ressortir quelques mots ; en articulant toute la phrase ; en articulant au maximum toute la phrase. Puis ils reprennent une à une les consignes dans le sens inverse.

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  • IMPROVISATIONS ET TEXTES :

Comédiens Cours de théâtre Ségolene Chailley Premier Acte LyonLes acteurs travaillent deux actions (parler/écouter). Alors que l’on a souvent tendance à croire qu’il est plus important de parler sur scène (raison légitimée par le fait que l’on a un texte à dire), plutôt que de recevoir ce qui est dit et de ressentir, l’un comme l’autre sont en réalité essentiels.  Il n’y pas de petits rôles, il n’y a que de petits acteurs, affirmait Constantin Stanislavski. Tous les acteurs sont visibles sur scène, en ce sens, un acteur qui n’écoute pas, qui n’est pas présent à la scène qui se joue, est d’autant plus repérable, bien qu’il n’en ait pas forcément conscience.

EXERCICE N° 204 Le soliloque : les acteurs forment des binômes. Ils improvisent. Tandis que l’acteur (A) se met à parler, exprimant son point de vue, ses idées, son ressenti face à une situation, l’acteur (B) le laisse déblatérer. Durant son soliloque, le premier cherche à obtenir une réponse de son partenaire, réponse qui ne viendra pas. Quand il le souhaite, celui-ci commet une action significative (ex : se lever et faire mine de partir puis revenir, donner une baffe, enlacer l’autre, écouter la messagerie de son portable, ouvrir un livre…) destinée à perturber celui qui parle. L’acteur (A) reste concentré.

Il joue avec les éléments suivants pour donner du rythme et du relief à son soliloque : 1/la ponctuation ; 2/les métaphores, autrement dit des images personnalisées qui donnent à voir son univers mental ; 3/le niveau de langage : familier (termes argotiques, hyperboles, répétitions, périphrases, éventuelle suppression du ne dans la négation) ; courant (vocabulaire usuel, règles de grammaire respectées) ; soutenu (vocabulaire riche et recherché, concordance des temps, constructions complexes, effets de style, formules de politesse) ; 4/la présence du second personnage ; 5/une éventuelle réponse (ex : « je sais, tu vas me dire ça, ou me répondre ça… ») ; 6/un geste, un silence ou toute autre réaction (pleurs, rires, soupirs…). Un autre duo prend ensuite le relais.

Remarques : celui qui parle doit avoir un objectif précis (ex : séduire, rompre, menacer, se vanter, promettre, avouer, mentir, proposer, négocier…). Par ailleurs, son soliloque doit rendre compte du degré de relation existant entre lui et son partenaire (amis, collègues, vagues connaissances, inconnus…).

EXERCICE N° 205 Les anges gardiens : deux acteurs prennent place sur deux chaises positionnées face à face. Ils improvisent une situation. Ils ont des objectifs opposés. Deux anges gardiens viennent s’asseoir à leurs pieds. Au top du formateur, les acteurs se figent. Les anges gardiens traduisent à voix basse ce qu’ils pensent : ils expriment pour le public les pensées supposées ou fantasmées des personnages principaux, explicitant le sous-texte de la scène qui se joue en direct, rendant les silences chargés de sens et d’émotions. Ils jouent avec les éléments suivants : 1/une éventuelle réponse ; 2/des commentaires relatifs à ce qui est dit ; 3/des réactions ou sensations directement liées à la situation et au lieu (faim, soif, froid, désir, envie de bouger, claustrophobie, euphorie….) ; 4/des pensées qui n’ont rien à voir avec la conversation mais qui accaparent leur mental (ex : les courses, les impôts, des rendez-vous…) ; 5/des ruptures : pensées qui fusent, se télescopent (pensées obsessionnelles qui les conduisent à ressasser ou au contraire à utiliser toutes leurs facultés mentales pour mieux réfléchir, analyser, faire des hypothèses…) ; 6/niveau de langage ; 7/logorrhées ou longs silences, qui reflètent la densité ou la vacuité de leur discours intérieur (obsessions, sautes d’humeur, ruptures, égarements, digressions…) ; 8/la construction des phrases peut être correcte ou non (ex : ellipse du verbe). Les personnages principaux prennent ou non en compte les propos des anges gardiens quand, au top donné par le formateur, ils parlent à nouveau.

Notion : l’aparté.

L’exercice ci-dessus prépare les acteurs au dispositif spécifique à l’aparté. Désormais, le personnage n’est plus doublé par un autre acteur qui prendrait en charge ses impressions, mais il se détache spontanément de la scène qu’il joue pour faire partager son ressenti au public. Ce procédé certes artificiel est souvent utilisé comme ressort comique dans les comédies (cf. certaines répliques de Dorine dans Le Tartuffe ou L’Imposteur, Molière). Par convention, les autres personnages sont censés ne pas entendre ce qu’il dit tandis que le public, complice, savoure cette réplique qui se veut brève. Indiqué par une didascalie (ex : « à part », « bas », « à soi-même »), l’aparté peut aussi constituer une adresse directe au public. Ce procédé peut également servir de révélateur, le caractère et les émotions du personnage soudain apparaissent clairement (cf. Le Barbier de Séville, Beaumarchais, acte III, scène 2).

EXERCICE N° 206 Jeu d’aparté : les acteurs improvisent une situation. De temps à autre, l’un d’entre eux s’extrait du groupe pour venir à l’avant-scène témoigner, et partager avec le public une réflexion. Comme s’il se dédoublait ou prenait du recul, il se libère et dit ce qu’il pense, ressent… tandis que ses partenaires restent figés, faisant abstraction de ce qui se passe. Puis la scène reprend comme si de rien n’était. Variante : les acteurs prennent appui sur une scène du répertoire classique (ex : Le Misanthrope, Molière, acte I, scène 2).

Notion : les didascalies.

Spécifiques au genre théâtral, elles donnent notamment diverses indications de mise en scène. Il en existe plusieurs sortes : didascalie initiale (liste des personnages), didascalie d’énonciation (mention du nom du personnage qui prend la parole, accompagnée du nom du destinataire de la réplique si besoin est), didascalies de décor, d’objets (les accessoires dont l’acteur a besoin, avec parfois la façon dont il doit les utiliser), de ton, de gestes, de mouvements (déplacements des personnages), etc. Ce dernier exercice permet aux acteurs de mieux se rendre compte du rôle que jouent les didascalies au théâtre.

EXERCICE N° 207 Les didascaleurs : ils viennent doubler les personnages. Placés derrière eux ou à leurs côtés ils les manipulent en fonction des indications données par les didascalies. Les personnages agissent : à regret (ils résistent puis cèdent) ; avec plaisir (ils facilitent le mouvement) ; de manière neutre (ils se laissent faire). Puis les acteurs travaillent l’extrait mentionné. Consignes : 1/un acteur placé à l’avant-scène dit, de manière neutre, les didascalies tandis que la scène est jouée ; 2/les acteurs jouent à nouveau la scène : ils exécutent, sans les dire, les didascalies avec énergie et émotion. 3/ acteurs et formateur échangent entre eux, pour voir quelle piste de jeu s’avère la plus intéressante. Support : Anéantis, Sarah Kane, scène 2 jusqu’à la réplique de Ian : « Je ne veux pas te mettre dans la merde », Anéantis, Sarah Kane, éditions L’Arche 1998, scène 2, pages 40 à 47.

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